Remettons les choses dans leur contexte. Contrairement à Debian, Canonical est une société commerciale qui doit obligatoirement rentrer des sous. De mon point de vue, elle n'a que 3 solutions.
Solution 1 :
vendre sa distribution Ubuntu. Mais c'est peine perdue d'avance : on l'a bien vu avec Mandriva. Seules les grosses sociétés, qui ont des besoins de support, sont prêtes à payer une distribution certifiée pour un logiciel donné. Cela étant, si la liberté avait un prix, combien seriez-vous prêts à donner ?
Solution 2 :
développer son market en ligne. Tous les éditeurs ont aujourd'hui développé une logithèque dédiée pour inciter l'usager à "décharger" régulièrement son porte-monnaie. On l'a bien vu sur l'année écoulée avec la réécriture et la simplication de la logithèque sous Ubuntu/Debian : Canonical a largement suivi le mouvement. Bonne ou mauvaise chose pour l'usager ? Je pense que c'est à chacun d'accepter ou non des logiciels privateurs de liberté sur sa machine. Sur ce point, je pense que le contrat social de Debian est plus réaliste, mais je comprends parfaitement que RMS défende son clocher à coups de griffes.
Le vrai problème des logithèques, c'est qu'elles sont surtout un véritable instrument de pouvoir. On le voit régulièrement avec les abus opérés chez les concurrents. Canonical, échappera t'elle à la règle ?
Solution 3 :
les partenariats bien sûr ! On ne peut pas évoluer seul, et Canonical multiplie naturellement l'ouverture de sa distribution en ce sens.
Le récent partenariat avec Valve (Steam) est à observer attentivement, parce qu'il ne pourra aboutir qu'à deux situations : soit Valve se décidera à ouvrir réellement la porte de ses jeux à TOUTES les distributions GNU/Linux, soit Valve cantonnera l'exclusivité de ses jeux à Ubuntu contre monnaie sonnante et trébuchante.
Le coup de gueule de RMS s'inscrit donc dans ce dernier point, puisque Canonical fait officiellement transiter les recherches web de l'usager, effectuées sous Unity, via des serveurs Amazon. La société affirme que ces transits sont anonymes, et souligne que cette nouvelle fonction est désactivable (pour le moment en tout cas).
Maintenant sortons 2s de nos moumouttes, et osons regarder les choses en face :
si la recherche web a toujours été gratuite, elle coûte objectivement des millions d'euros chaque jour aux sociétés concernées. A moins d'être particulièrement naïf, on comprendra que
tous les services gratuits du web se paient sur notre vie privée depuis toujours ! Relisez attentivement la licence de Chrome pour bien vous en convaincre. Demandez vous également pourquoi Google paie si grassement Mozilla pour imposer son moteur par défaut dans Firefox.
La réaction de RMS me parraît donc un peu tardive, même si elle a le mérite d'exister, et peut-être d'en faire réfléchir certains. Quand à vouloir contrer l'instinct naturel et magnifique de tous ces braves commerciaux en rut, il faut être réaliste : nous n'avons pas (et nous n'aurons jamais) les moyens techniques de protéger nos données sur le web !
Il est clair qu'un usager averti aura vite fait de virer la fonctionnalité décriée, ou même de virer Unity pour un autre environnement graphique si besoin. Mais je pense que c'est aux gens eux-mêmes de faire ce choix - encore faut-il les en informer, et c'est précisément ce que nous essayons de faire dans nos actions extérieures ou dans nos réunions. Les gens ont le droit de savoir - libre à eux de faire ensuite leurs choix en connaissance de cause. Cela étant, si la distribution ultime existait, ça fait longtemps qu'on l'aurait trouvé !
Réduire le monde libre aux choix de Canonical ne me paraît pas très sérieux non plus, vu le nombre de distributions alternatives, même si on rappellera que l'éditeur a écoulé l'an passé quelques 8 millions de PC préinstallés, notamment en Asie. Et oui : quand il n'y a pas de vente liée pour brider le consommateur, GNU/Linux se vend très bien !
Alors devons nous boycotter Ubuntu au niveau de l'association comme le voudrait M. Stallman ? Perso, je ne pense pas que ce soit nécessaire tant qu'on peut proposer des alternatives aux délires de Canonical, et c'est encore le cas pour le moment. Il faut bien comprendre que les nouveaux utilisateurs GNU/Linux dans nos réunions informatisées, se fichent pas mal, au départ, de nos petites querelles de spécialistes. C'est en les informant au fil du temps qu'on parviendra à les sensibiliser, mais sûrement pas en leur imposant une vision radicale des choses. Nous sommes là pour proposer et informer, pas pour imposer.